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Patrick rodot

Pourquoi pratiquer les arts martiaux aujourd’hui ?

Pourquoi pratiquer les arts martiaux aujourd’hui ?

Je vais parler de l’aïkido et d’une technique de sabre, le Kenjutsu.

Pratiquer un art martial pendant des années, s’entrainer régulièrement, à l’idée que l’on puisse se défendre en cas d’attaque, c’est comme apprendre quelque chose que l’on a une chance infime d’utiliser un jour. Cela peut arriver, mais l’évènement reste rare.

Alors pourquoi pratiquer ? Peut-être parce que au fond de nous, notre instinct de survie nous instille que le monde extérieur est porteur de danger pour notre « moi, » c’est à dire un ensemble corps-esprit-énergie. Parce que ce « moi » doit affronter/appréhender le monde extérieur, il doit pour préserver son unité, et pour continuer à vivre, apprendre à se défendre.

L’entrée dans le dojo est un moment spécial et primordial. Habillé du  keikogi et d’un hakama, nous saluons soit debout ou mieux à genou en direction du kamiza. Avec le professeur, on salue le mur d’honneur où se trouve souvent les portraits des maitres fondateurs ou une calligraphie, un petit autel religieux et parfois la représentation de la nature. En même temps, l’enseignant répond au salut.
Nous sommes alors dans un univers différent, pareil à une mise  en hypnose du cerveau, prêt à la concentration et à vivre « l’instant du moment ».
Nous ne sommes plus le musicien, le médecin, l’étudiant, la secrétaire ou le retraité. Nous sommes quelqu’un d’autre, quelqu’un de nouveau amené à vivre une expérience qui deviendra petit à petit transcendantale.

La pratique dans le dojo, c’est en premier la métaphore de la réussite. Le débutant ou le confirmé fait la technique et même avec l’imperfection du geste ou de la posture accomplit  sa réalisation. Répétée tout le long de la séance, ce sentiment de réussite s’accumule et propulse le pratiquant dans une positivité dont il n’a pas vraiment conscience. Ce sont les prémices de la confiance en ses propres capacités. Chaque séance emmagasine donc un lot de micro réussites.

Et le corps se transforme progressivement par le mouvement. Le bas du corps s’ancre sur le
sol, le bassin se place, le haut du corps s’élève. Les techniques partent du centre du corps, à la fois centre vertical sur une ligne médiane et à la fois centre horizontal au niveau du centre de gravité (Hara). La technique idéale partira alors du centre de gravité, donnant une impression intérieure et extérieure de puissance et d’efficacité. Mais elle se fera aussi dans une posture droite, dans la verticalité. Le haut du corps reste droit, la tête dans le prolongement du corps, le regard en vision périphérique. Les membres inférieurs sont souples et solides sur le sol, à la fois ancrés et mobiles.

Sans oublier la respiration. La technique se fait en un mouvement respiratoire, inspiration au début puis courte apnée et expiration pour terminer. Ce contrôle respiratoire amène à lui seul bien être et énergie. Il est à la base de nombreuses techniques de gestion émotionnelle comme la sophrologie, ou la cohérence cardiaque. Il amplifie la circulation énergétique,  tout comme le mouvement l’amplifie.

 


Et la dimension particulière de l’aïkido, c’est le lien à l’autre. « Aïki » veut dire lien.
 Dans le travail à deux avec saisie, un double accordage se crée. Uke ( celui qui subit la technique) est obligé de suivre Tori ( celui qui exécute ) et Tori doit s’adapter au niveau technique de Uke, à la position de son corps, à l’avance ou au retard de phase. Ensemble dans un rôle de protection mutuelle.
Au travers de la saisie, il y a là l’expérience d’une extension, d’un prolongement de son « moi », une extension de la perception de ce qu’est l’autre. Il n’y a plus de menace, il y a lien, il y a protection et empathie.

La dimension particulière de la pratique du sabre en Kenjutsu c’est aussi  la notion de prolongement, d’extension de son moi. Le mental se projette dans le sabre, jusqu’au bout du sabre. Les mouvements circulaires du sabre créent une extension de notre bulle énergétique externe ( aura) dans laquelle l’autre n’est pas le bienvenu. Le corps et le sabre ne font plus qu’un.
Cette dilatation de l’aura, on la retrouve dans des exercices de psychothérapie. C’est une façon d’augmenter son matelas protecteur émotionnel, de mettre l’autre à distance. Mais l’arme, le sabre c’est aussi la puissance démultipliée, décuplée de la main. Le coup de poing se transforme en coup de sabre, tranchant en quelques dixième de seconde un membre, un cou. La maitrise du sabre, c’est la maitrise d’une puissance insoupçonnée.

 

Cette pratique doit se retrouver dans la vie de tous les jours, en dehors du tatami. La posture droite influence positivement le mental. Regarder devant soi, agir en confiance devant les difficultés du quotidien, anticiper les réactions de l’autre, augmenter son empathie, être en lien avec l’autre pour accompagner ses enfants, son conjoint, ses parents, ses amis, ses relations. Mieux ou aussi bien qu’une psychothérapie réussie.

Et on commence à le savoir maintenant, bouger, faire des mouvements complexes crée de nouvelles connexions cérébrales et  stimule l’hippocampe et le cervelet. C’est un moyen de lutte efficace contre le vieillissement cérébral.

Alors, un seul mot pour la fin : pratiquer les arts martiaux !!!

 


    Dr Patrick RODOT,
Spécialiste en médecine générale et psychothérapeute diplômé de la faculté de Montpellier.
Membre certifié de la daï nippon butoku kaï de Kyoto.

 

 
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